L'héritage celtique breton : réponse à " Archéologie : un lire qui va faire causer"

Si les Bretons ne sont pas celtes, ils en conservent quelques traces que François Trouillet, de Tours, suite à un article de la NR, verse au débat. (cf. https://imrama-keltia.1fr1.net/t1466-archeologie-un-livre-qui-va-faire-causer)

Dans votre édition du 25 novembre, en page « On en parle », l'interview d'un archéologue, sous le titre « Qu'on se le dise: les Bretons ne sont pas celtes », me fait réagir. Comment déjà pouvoir souscrire à cette phrase: « Les Celtes [...] n'étaient pas intéressés par les péninsules »? Ce peuple migrant, venant d'Europe centrale, ne s'est-il pas installé dans la péninsule Ibérique - ci qui est d'ailleurs dit quelques lignes auparavant dans cette interview - ou dans la péninsule écossaise, voire dans celle, moins large, de la Cornouaille britannique?

Autre propos discutable: « Les Celtes [...] n'ont pas réussi à s'intégrer aux communautés bretonnes ». Vraiment ? Mais, là comme ailleurs, les tribus celtiques - en l'occurrence gauloises - se sont mêlées aux populations préexistantes, et c'est bien leur langue qui a prévalu et a fortement laissé son empreinte dans la toponymie locale. Il n'y a que l'embarras du choix pour le démontrer: l'appellation antique de Rennes - Condate - s'explique par le gaulois (= confluent de l'Ille et de la Vilaine), de même que celle de Vanne - Darioritum (= le gué tumultueux). Etymologie celtique aussi pour les Armoricains - « ceux qui habitent devant la mer ». Jusqu'à l'île d'Ouessant, point extrême de la Bretagne, qui portait, au témoignage des géographes de l'Antiquité, le nom, à consonance celtique, d'Uxisama. Mieux encore, des inscriptions rédigées en gaulois ont été relevées dans le Morbihan.

Quant aux déclarations telles que « Les Bretons ne sont pas celtes » ou « La Bretagne celtique, c'est un mythe », elles demandent à être nuancées. Certes, il ne s'agit nullement de verser dans une quelconque « celtomanie » délirante, et les habitants de la Bretagne ne possèdent pas une ascendance uniquement de type celte, mais dans quelle région du reste de notre pays entend-on aujourd'hui s'exprimer des celtophones? Car - qui l'ignore? - le breton appartient au rameau celtique des langues indo-européennes: il a été introduit en Armorique par des migrants venus d'outre-Manche entre 450 et 650 (cf. H. Walter, L'aventure des langues en Occident, Paris, 1994, p. 93-94). Le territoire s'est en somme trouvé receltisé après l'abandon du gaulois consécutif à la conquête romaine; de là, l'étroite parenté reconnue entre le breton et le gallois.

J'ai enseigné de longues années durant la linguistique comparée au niveau universitaire: cette fonction m'a évidemment amené à prendre en compte les parlers des Celtes, tant continentaux qu'insulaires. La France est en droit de revendiquer, entre autres, un héritage celtique, et c'est en Bretagne, du fait d'un double apport celtisant, qu'on en discerne le plus de traces. C'est la réalité scientifique.

François Trouillet
de Tours

Source : http://www.centre-presse.fr/article-355421-l-heritage-celtique-breton.html#prettyPhoto