Catusagios Admin
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| Sujet: Dossier de l'OZ : Le Roi Arthur : histoire ou fiction? Lun 27 Jan 2014 - 12:48 | |
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Dossier : Le Roi Arthur : histoire ou fiction ? Voici un petit article paru dans la POZ de Janvier (Publication de l'Observatoire Zététique) qui s’interroge sur la légende arthurienne.
Pour ceux qui ne connaissent pas l'OZ, je vous convie à parcourir le site.
Le Roi Arthur a-t-il existé ? On ne compte plus les articles et chapitres d'ouvrages commençant par cette question. On nous pardonnera d'ajouter, à cette longue liste, une nouvelle notule destinée à présenter les sept théories modernes qui prétendent expliquer la source de la légende arthurienne [1]. Car l'avis que se sont fait les historiens sur l'origine de la légende du Roi Arthur a évolué à travers le temps et, encore aujourd'hui, le point n'est pas tranché.
Première théorie : le roi Arthur a réellement existé à l'époque où les Bretons faisaient face aux invasions saxonnes, autour de l'an 500. Lorsqu'il écrit son Histoire des Rois de Bretagne, vers 1137, Geoffroy de Monmouth présente Arthur comme un personnage parfaitement historique, sous les traits d'un roi puissant, conquérant trente royaumes, envahissant la Gaule et lorgnant sur les richesses de Rome. Cet ouvrage aura un grand succès au Moyen-Âge et sera la source de nombreuses mentions d'Arthur dans des ouvrages historiques, parfois aussi tardivement qu'au début du XIXè siècle. Mais le livre de Geoffroy a toujours été très contesté [2] et il a surtout le défaut de raconter l'histoire d'Arthur plus de cinq siècles après les faits supposés. Or, avant Geoffroy, on ne trouve que quelques rares mentions d'Arthur, toutes postérieures au VIIIè siècle. Aucune trace d'Arthur ni chez Gildas, ni chez Bède, ni chez Grégoire de Tours qui auraient tous dû en parler si le personnage avait été moindrement connu. La théorie semble donc ne pas pouvoir résister à l'analyse critique.
Deuxième théorie : Arthur a existé mais n'était ni empereur ni roi. Si Arthur ne peut avoir été le roi puissant du Vè siècle décrit dans les légendes, ne peut-il pas avoir été un obscur guerrier du Vè siècle, inconnu de la plupart de ses contemporains, mais dont les exploits auraient été montés en épingle au cours des siècles par la magie de la tradition orale ? Dans les faits, l'hypothèse est gratuite puisque les textes de l'époque ne parlent jamais d'Arthur, et que les recherches archéologiques n'ont jamais apporté d'éléments probants pour appuyer l'existence du personnage. Cette théorie n'est d'ailleurs défendue que par des chercheurs persuadés qu'à la base de toute légende se trouve un événement ou un personnage historique.
Troisième théorie : Arthur regroupe sous son nom plusieurs personnages historiques. Geoffroy de Monmouth laisse entendre, dans son Histoire des Rois de Bretagne, que le Roi Arthur avait débarqué sur le continent pour conquérir Rome à une époque située entre l'an 468 et l'an 474. Or, vers 470, un chef breton nommé Riothamus se battait effectivement en Gaule [3]. Certes, ce Riothamus était un allié des Romains et se battait contre les Wisigoths, mais le débarquement, en 383, d'un autre personnage historique vivant en Bretagne, l'usurpateur Maxime, pourrait avoir suggéré les batailles d'Arthur contre les troupes régulières de Rome. Enfin, les combats d'Ambroise Aurèle au Vè siècle, contre les Saxons, auraient inspiré ceux, légendaires, d'Arthur. La légende d'Arthur se serait ainsi construite sur des emprunts à diverses chroniques historiques.
Quatrième théorie : Arthur est un personnage historique mais il vivait en d'autres temps et en d'autres lieux. Et cela explique le mutisme des anciennes chroniques sur ce héros. On l'a ainsi rapproché de plusieurs personnages du Nord nommés Arthur. On a aussi voulu voir en Lucius Artorius Castus, officier romain vivant en Bretagne au IIè siècle, le vrai roi Arthur. Cette dernière hypothèse, qui date des années 1920, a eu quelques rares défenseurs en son temps mais a aujourd'hui rendu les armes faute de combattants.
Cinquième théorie : La légende d'Arthur est originaire du nord de la Grande-Bretagne. Plus de prétention à l'historicité avec cette théorie dont les tenants font d'Arthur un personnage légendaire des traditions anciennes propres à l’Écosse de l'époque des Pictes. Selon ces chercheurs, les légendes de Merlin et du chevalier Tristan seraient aussi originaires des montagnes du Nord. Ces hypothèses reposent sur des éléments non négligeables [4] mais peinent néanmoins à convaincre car étant systématiquement contredites par les textes connus : dans tous les manuscrits, Arthur a effectivement des liens avec le Nord mais il reste un Breton.
Sixième théorie : Arthur est un personnage légendaire du folklore brittonique voire de la mythologie celtique. Ainsi Arthur serait à l'origine une divinité (une sorte de dieu-ours, ont proposé certains) qui aurait pris forme humaine au fil du temps. Cette théorie s'appuie surtout sur l'impossibilité de prouver l'historicité d'Arthur mais de nombreux motifs que l'on rencontre dans les romans arthuriens trahissent l'utilisation, à diverses époques, de sources celtiques [5]. Le problème de cette théorie est que des idées parfois brillantes se retrouvent noyées dans une foisonnante littérature digne des celtomanes du XIXè siècle.
Septième théorie : Arthur est la version bretonne du héros Heraklès. Les Romains avaient emprunté à Héraklès les traits de leur Hercule, ce dernier n'a-t-il pas servi de modèle pour le puissant héros breton ? Certes, au Moyen-Âge les Gallois connaissaient Hercule qu'ils appelaient Ercwlf [6] mais cela n'empêche pas qu'ils ont pu emprunter aux textes de l'Antiquité les éléments constitutifs d'un nouveau personnage. La naissance merveilleuse d'Arthur est, d'une façon évidente, empruntée à celle d'Hercule, ses douze batailles répondent aux douze travaux, il poursuit les mêmes monstres que son glorieux prédécesseur, jusqu'à son dernier séjour - l'île d'Avalon – qui subit nettement l'influence méditerranéenne. Les légendes de Tristan et du Graal, qui se constituent entre la fin du XIIè siècle et la fin du XIIIè siècle, empruntent elles aussi beaucoup, et parfois de façon grossière, aux textes antiques, ce qui confirme l'utilisation de cette source dans le développement de la légende arthurienne tout en suggérant une continuité dans le procédé. La création du personnage d'Arthur comme un nouvel Hercule breton pourrait dans ce cas dater de l'Antiquité. Cette énumération de théories est révélatrice à la fois de l'intérêt pour le personnage d'Arthur et de la difficulté de mettre en avant des témoignages écrits et archéologiques pour la période concernée. La vérité est d'ailleurs peut-être dans un subtil mélange de ces hypothèses. Ainsi, les emprunts évidents aux légendes brittoniques médiévales et aux textes de Virgile ou d'Ovide n'empêchent en rien l'existence d'une source historique ou mythologique ancienne, non plus que la réutilisation du nom Arthur. Loin d'être une source de contradiction, la multiplicité des théories ouvre donc des champs de recherche encore inexploités.
Goulven Péron
Notes : [1] Nous prenons pour base l'article de Mark Adderley et Alban Gautier, intitulé « Les origines de La Légende arthurienne : six théories » (Médiévales 59, automne 2010, p. 183-193), qui a le défaut d'oublier l'hypothèse de l'origine gréco-latine du mythe arthurien, une théorie esquissée par Edmond Faral au début du siècle dernier. Nous l'ajoutons donc ici.
[2] Y compris par ses contemporains et on sait aujourd'hui que Geoffroy a effectivement beaucoup inventé. Pour les sources de l'Histoire des Rois de Bretagne, voir Tatlock, The Legendary History of Britain, University of California, 1950, ou Faral, La légende arthurienne, Paris, 1929, 3 volumes.
[3] Léon Fleuriot analyse cette question dans son ouvrage sur les Origines de la Bretagne, éditions Payot, 1980, mais elle est surtout connue à travers l'ouvrage de Geoffrey Ashe, The Discovery of King Arthur, Anchor Press, 1985
[4] Le nord de la Grande-Bretagne est en effet une terre fertile pour les légendes arthuriennes. Sur ce sujet voir notre Dictionnaire des lieux arthuriens, Ar Strobineller, 2013.
[5] Sur ce sujet, voir Loomis, Arthurian Litterature in the Middle Ages, Oxford, 1959, et le plus récent Arthur of the Welsh, Cardiff, University of Wales Press, 1991.
[6] Bromwich, Trioedd Ynys Prydein, Cardiff, 1961. Un bon aperçu des connaissances que pouvaient avoir les auteurs médiévaux, qu'ils soient français, bretons, anglais ou gallois, de la mythologie gréco-latine, se voit chez Dain, Mythographe du Vatican I, II & III, aux Presses Universitaires de Franche-Comté, ou chez Chamonard, Les Métamorphoses d'Ovide, Garnier Frères, 1966. Source : Observatoire Zététique http://www.zetetique.fr/index.php/nl | |
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